L’UE, la Catalogne et le Cameroun : Interventionnisme à géométrie variable

Interventionnisme à géométrie variable

L’UE, la Catalogne et le Cameroun

Dans le silence assourdissant qui l’a souvent caractérisé lorsque ça l’arrange, l’Union européenne a accueilli l’arrêt de la Cour suprême espagnole qui a condamné, le 14 octobre dernier, neuf dirigeants indépendantistes à des peines de prison ferme allant de neuf à treize ans pour « sédition » ou « détournement de fonds publics » ; le troisième chef d’accusation, à savoir la « rébellion » n’ayant pas été retenu. Leur crime ? Avoir déclaré unilatéralement l’indépendance de la Catalogne le 10 octobre 2017, à la suite du référendum d’autodétermination du 1er octobre de la même année.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Au sein de l’Union européenne, on ne rigole pas avec le sacrosaint principe du non interventionnisme dans les affaires intérieures des Etats membres. Et cela ne date pas d’aujourd’hui ; n’allez surtout pas croire que la décision est conjoncturelle. Que non ! Ce refus d’intervention est constant depuis le début de la crise catalane : pour la très démocratique Union, il s’agit d’une affaire strictement intérieure. L’Union le clame d’ailleurs très fort, à qui veut l’entendre, « l’interlocuteur en Espagne, c’est le Premier ministre […] Il y a un Etat de droit en Espagne, avec des règles constitutionnelles. Il veut les faire respecter et il a le plein soutien de l’Union ». En clair, pour l’Union, ce sont des Etats et il n’est pas question qu’ils interviennent dans une crise mettant en cause l’intégrité territoriale de l’un d’entre eux, y compris en proposant une médiation qui donnerait une légitimité internationale aux sécessionnistes. En d’autres termes, l’UE n’a strictement aucune compétence dans ce domaine et ne doit surtout pas en avoir : « Moi demain, je peux avoir une région en France qui se lève et qui dit : “S’il en est ainsi, j’en appelle aux institutions européennes.” Et on a des institutions [européennes] qui deviennent les arbitres des élégances de tous les sujets intérieurs ? Non. », s’insurgeait d’ailleurs Emmanuel Macron.
La même hostilité à la cause des indépendantistes catalans est observée au sein du Parlement européen et de Renew Europe (RE), qui estiment que la question catalane est la définition même de ce qu’est un problème intérieur.
Autre lieu, autre situation, quasi similaire et … quadrature du cercle. Depuis octobre 2016, des revendications d’ordre professionnel des avocats et des enseignants ont entrainé une crise, qui met en péril la sécurité et le bien-être des personnes et menace les fondements même de la nation camerounaise. Malgré les efforts du président de la République et du gouvernement, des extrémistes de la diaspora et leurs relais locaux se sont employés à récupérer et dévoyer les revendications corporatistes, pour les transformer en un projet sécessionniste.
En grand mendiant de la paix, le Président Paul Biya, dans son discours à la Nation, le 10 septembre 2019, a décidé de convoquer un Grand dialogue national destiné, dans le cadre de la Constitution du Cameroun, à « examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-ouest et du Sud-ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de la Nation ». Un conclave qui s’est tenu sous la présidence magistrale du Premier ministre chef du gouvernement, du 30 septembre au 04 octobre 2019, au palais des Congrès de Yaoundé.
Et alors que les pouvoirs publics et toutes les parties prenantes s’activent à mettre en application les recommandations issues de ces travaux et au mépris total de leur propre principe de non-ingérence dans les affaires internes des Etats, les Etats-Unis et l’Union européenne appellent à la poursuite, voire l’ouverture du dialogue national au Cameroun. De quel dialogue s’agit-il ? Là où elles sont attendues avec de fraiches statistiques obtenues au lendemain du Grand dialogue national, les deux institutions citent des chiffres d’avant dialogue pour corroborer les atrocités qui se dérouleraient dans les deux régions anglophones. Pendant ce temps, sur le terrain, il ne se passe aucun jour sans que des ex-combattants ne déposent les arment et sortent du bois pour rejoindre les camps de DDR. Dans certaines villes comme Buea, la vie semble reprendre progressivement son cours. Les écoles et les marchés sont de plus en plus animés.
Fort heureusement, les Camerounais ne sont pas dupes, ils tiennent leur destin en mains, sous la conduite éclairée du Président Paul Biya, qu’ils ont mandaté, le 7 octobre 2018, pour conduire leurs affaires. Comprenne qui pourra, la notion d’Interventionnisme à géométrie variable.

Par Serge Williams Fotso

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